Le contenu de la tirelire expliqué aux petits

Les Pyrènes : la monnaie locale complémentaire de l'Ariège

Le contenu de la tirelire expliqué aux petits

article publié dans le numéro 35 – été 2012 – de Grandir Autrement

Jour de marché, mes deux bambins insistent pour m’accompagner au distributeur automatique. Appuyer sur les boutons, retirer la carte, les billets : premiers contacts, inéluctables, avec l’argent . Ils aiment manipuler eux-mêmes, payer lors des achats, récupérer la monnaie. Mais d’où vient l’argent ?

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 Un des épithètes de la déesse Junon était moneta, la conseillère, qui signale, montre, indique. Les cris des oies vouées à son culte, auraient alarmé les défenseurs de Rome attaquée par les Gaulois. Les premières monnaies romaines furent frappées dans les caves du temple. Moneta désigne le lieu où l’on battait monnaie, puis par extension la pièce de métal frappée par l’autorité souveraine.

Des trois fonctions monétaires classiquement enseignées : échanger, compter, conserver, monnaie exprime la seconde en indiquant la valeur de la transaction. Du latin valore : force de vie. Le pain, les fruits, l’essence de la voiture ou le billet de train, sont bien de cet ordre. Le loyer de la maison, le remboursement de l’emprunt les agios de la banque… c’est une autre histoire. Mais les chers petits ne sont pas témoins de ces transactions. Tout au plus entendent-ils parfois Maman et Papa les évoquer avec des intonations courroucées dans la voix.

Le latin argentum, métal constitutif des pièces, a donné l’argent au sens où nous employons ce mot. Métal précieux et durable comme l’or, argent porte plutôt sur la troisième fonction : conserver la valeur en vue d’échanges ultérieurs.

Ma fille apprécie l’histoire du petit ours et de la grand-mère qui portent au marché l’excédent d’huile de noix de la dernière récolte. Avec l’argent de la vente, ils remplissent leur panier de fromages, de miel, de fougasses… Nous nous contentons d’acheter. Réalisateur de films, pour expliquer aux enfants d’où vient l’argent que j’utilise pour payer les courses, ce serait une autre paire de manches. Même si, quand je les emmène au cinéma, ils assistent aussi à l’achat des tickets à la caisse.

Et pour les plus grands ?

« L’argent est fabriqué par l’état, l’argent prêté par les banques provient des dépôts des épargnants, il n’y en aura pas assez pour tout le monde… » Les idées sur la question à ne pas prendre pour argent comptant sont monnaie courante.

En 1944 les accords de Bretton Woods font du dollar la monnaie de réserve internationale : toutes les monnaies sont définies en dollar qui seul reste convertible en or. Mais en 1971, le président Nixon en décrète l’inconvertibilité suite aux tensions sur cette monnaie, issues entre autres de l’augmentation des déficits liés à la guère au Vietnam.

L’argent naît désormais d’un simple jeu d’écritures : chaque fois qu’un particulier, qu’une entreprise ou… qu’un état, signe un engagement de crédit avec une banque. L’expression  Time is Money  n’a jamais été aussi chargée de sens. Alors… d’où vient la dette ? A qui devons nous tout cet argent ? Mais revenons aux trois fonctions de la monnaie :

Echanger ? Certains services ne donnent lieu à aucune compensation monétaire (aider son enfant à faire ses devoirs…), d’autres pourtant utiles et désirables, ne sont même pas envisagés (fournir un toit aux insolvables…) La monnaie n’est donc pas un outil d’échange efficace.

Compter ? Avec l’évolution des prix, la mesure de la valeur change. Cette unité de compte donne des résultats variables, un peu comme le ferait un mètre élastique. La monnaie n’est donc pas une unité de compte adéquate.

Conserver ? En fonction de l’évolution des cours, la richesse stockée ou transportée peut se trouver réduite à néant. La monnaie n’est donc pas une réserve de valeur fiable.

A quoi peut bien alors servir notre monnaie ? Quand 225 personnes des plus fortunées en détiennent autant que les 2,5 milliards les plus pauvres* qui vivent ou travaillent dans des conditions révoltantes, serait-elle devenue un instrument d’asservissement, aussi efficace que les lois d’airain des sociétés autoritaires, de caste, ou d’esclavage ?

Philippe ELUSSE

* ces chiffres datent du lendemain de la crise des subprimes. 4 ans plus tard ce sont 85 personnes qui possèdent autant que les 3,5 milliards les plus déshérités. Cela donne une idée de l'orientation et de la vitesse d'évolution de la situation. (ndlr)